dana hilliot<p>Réforme et structure</p><p>Pour comprendre comment les politiques de réformes ont pour effet d'occulter les problèmes structurels, je crois que l'institution de l'église catholique constitue un exemple limpide.</p><p>J'écoutais tout à l'heure un expert de l'église tout à son indignation contre les découvertes des turpitudes (notamment sexuelles) qui minent son institution préférée. Il parlait de l'abbé Pierre notamment, mais évoquait vaguement les innombrables affaires de pédophilie. Pensait aux victimes. Il faut, disait-il, améliorer l'attention, le signalement, la dénonciation - il faut permettre aux victimes de témoigner sans crainte. </p><p>Certes. <br>Notez bien qu'il pensait déjà aux victimes futures. Comme si le problème n'était pas tant qu'il y ait des pervers sexuels dans l'église, mais que les victimes, sous emprise, ne soient pas en mesure de témoigner - c'est presque leur faute d'une certaine manière, il faudrait qu'elles aient moins "peur", tout faire pour qu'elles aient moins peur. Le problème ce ne sont pas les actes des pervers (des moments d'égarement, "on cède à la tentation", tous les prêtres ne sont pas aussi performants que le Christ et les Saints de ce point de vue, ils sont, que voulez-vous, "humains"), mais l'agency empêchée des victimes (et le soin qu'on doit prendre d'elles !)</p><p>Tout ça pour dire que nous sommes exactement dans la situation où la structure elle-même ne se met absolument pas en question, malgré le nombre effarant de cas désormais révélés. Ces perversions sexuelles "regrettables" ne sont au fond, malgré leur accumulation, que des anomalies, des égarements passagers, le fait de brebis galeuses (sous-entendu, il y en a dans chaque institution). L'église elle-même ne saurait être affectée en tant qu'institution. Il faut se contenter de "réformer l'attention"' (sic, ou presque). Pas du tout de remettre en question la place des femmes dans l'église, et celle des hommes encore moins, les hiérarchies dignes de l'époque féodale, le célibat des prêtres, de la frustration sexuelle, du pouvoir des prêtres, notamment sur les enfants, des pulsions pédophiles dont on ne peut même pas dire qu'elles soient "refoulées" (ou alors elles sont très mal refoulées !), et surtout ne pas parler de l'homosexualité (dont Frédéric Martel avait démontré l'omniprésence au Vatican dans "Sodoma : Enquête au cœur du Vatican".).</p><p>Ce faisant, en se répandant dans les médias, l'église pense en avoir fait assez. </p><p>Bon. Pour être honnête, je me fiche complètement de l'église catholique et de ses embarras sexuels 😅 Mais alors à un point !</p><p>Par contre, et c'est là ce que je trouve de très intéressant, à titre d'exemple transférable à tout institution, c'est cette stratégie de réformes marginales ou purement "correctives", des amendements, des améliorations tactiques (stratégie qui n'est même pas consciente, mais qui relève du conservatisme inhérent à toute institution, de ses réflexes d'auto-préservation) : nous (nous) devons de faire mieux). Un art de gouverner au fond. Et de conserver le pouvoir. Et conforter les hiérarchies.</p><p>Je vous laisse transférer cette stratégie à toutes les autres institutions : réformer pour occulter et empêcher l'examen critique de la structure elle-même (par exemple, se demander ce qui ne va pas avec l'État, le capitalisme, le travail, la famille, etc..)</p><p><a href="https://climatejustice.social/tags/Institution" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>Institution</span></a> <a href="https://climatejustice.social/tags/Reforme" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>Reforme</span></a> <a href="https://climatejustice.social/tags/structure" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>structure</span></a></p>